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Récit Cap Vert - Novembre

Histoires d’espadons, histoires de pêche. Récit de pêche – Novembre 2012

Ces quelques sorties de nuit qui resterons à jamais, notre grande expérimentation en matière de pêche à la ligne. Il y a déjà plusieurs années que mes interrogations à propos de ce poisson mythique grandissent dans ce petit village du Cap vert. L’espadon Xiphias Gladius aura été le poisson de ce mois de novembre 2012 et de sa lune descendante.

Toutes mes tentatives d’information auprès des locaux me rapportaient à un rostre mais à celui du Marlin.

Un seul pêcheur me donnera une description exacte de ce mystérieux Xiphias, car il n’y a pas si longtemps, il en capturait un au large sur une place de pêche au thon. Un petit d’une quinzaine de kilos avait été piqué sur une dérive au broumé … Ils avaient surnommé cet étrange poisson la Sorcière de mer …

Cette année, nous nous devions de partir en dérive de nuit à la recherche de ces improbables bancs de calamars. Cette idée m’avait été rappelée quelques mois auparavant, lors d’un long combat sur un Thon jaune. Ce poisson nous avait trainés sur onze kilomètres durant une bonne partie de nuit. Nous le perdons à vingt-trois heure trente, décroché à deux mètres du bateau, plus de cents kilos. Ces longues heures de lutte, illuminée par les phares du bateau nous avaient laissé entrevoir quelques grands spécimens de calamars …
Il nous restait ce mois de novembre pour partir à sa recherche, recherche d’appâts mais pas n’importe quel appât… celui du grand Espadon.
Deux jours avant le quartier de lune, un dimanche, nous partons sur les coups de 21 heures, dans l’idée de poser de la lumière face à Tarrafal, à plus ou moins cinq milles du village. Un endroit qui se nommera par la suite « Le point 85 »…
Nous apercevons rapidement quelques beaux calamars, aux passages rapides, bien trop rapide pour notre grande épuisette. Sans faute d’essayer, nous n’arriverons pas à en capturer un … lors d’un moment de repos assit à mon poste, un spécimen vient taper sous le toit du bateau et d’un rebond vient tomber sur mes pieds… un calamar rouge ardent d’une trentaine de centimètres ! Incroyable… l’appât était parmi nous.

Sans attendre je l’arme sur un circle hook 10/0 Z-steel Mustad, bas de ligne 200 Lbs, suivit d’une petite olive de plombs et bien sur accompagné de cette excitante lumière phosphorescente propre à cette pêche. Ligne tendue à 50 mètres de fond. Ce soir-là, les conditions de dérive étaient parfaites. Mer d’huile, grand calme agréablement troublé par le bruit du clapot sur la coque et par quelques évents de grands dauphins annonciateur de thonidés. La lune commençait à sortir de la montagne et la ligne toujours à l’eau, verticalement calée. Déjà 2 heures de dérive et toujours le calme plat. Un groupe de dauphin se joint à nous et m’oblige à tendre une ligne à main armée d’un filet de chinchard. Assit tranquillement à l’arrière du bateau, déroulant la ligne doucement, l’équipage endormit, fatigué de veiller ces calamars, toutes les lumières sont désormais éteintes. Seul l’argent de la lune me permet de contrôler mes lignes.
Une détonation brise ce moment de calme particulier, ma canne et son Penn 12/0 se mettent à hurler d’une violence encore jamais rencontrée ! En me jettant sur la canne placée à quelques mètres, je frappe violement le genou sur le vivier mais la canne est en main et restera plaquée sur le bord du bateau. L’action a durée 15 secondes ou plus, puis, terminer ! le moulinet brûlant avec plus de 250 mètres de 130 Lbs arraché du tir, d’une traite ! Le Fabio sans un mot, mon corps tremble, le calme redevient parfait !

Ca se nomme la pêche : impressions, sensations, extases changeantes en une fraction de secondes.

Quelques dix minutes à se répéter mon dieu, Adeus, Adeus,… Sans pouvoir rembobiner la ligne. Cette touche m’aura effrayé et aura fait naître en moi une sensation encore jamais ressentie sur une canne …
Le  très grand poisson était là, plus rapide et plus violent qu’une touche de marlin en traîne. La ligne est vite rembobinée et nous montre un bas de ligne coupé net juste en amont de l’hameçon …Nous nous félicitons, il est 4 heures du matin, retour au village.
Après analyse, j’affirme que le grand espadon se trouve dans ces eaux ! Requin Mako…il aurait sans doute fait quelques sauts, notre bête est partie droit à la vertical.
Espadon, ton rostre est aiguisé comme un couteau ! Mais notre « point 85 » est là !  

Notre seconde tentative aura lieu quelques jours plus tard.

L’arrivé de ma mère et de son amie au village suite à leur trek sur l’île, ne nous ont pas permis de repartir immédiatement en mer, mais nous a donné assez de temps pour nous reposer et surtout préparer notre prochaine nuit d’action…
Nous sommes le 9 novembre. Dernier repas avec Maman avant son départ en pick-up demain à l’aube, pour notre part il nous est difficile d’attendre plus… 20 heures, les salutations sont faites et non sans émotions - car laisser une table conviviale et sa mère pour partir dans le grand noir, pêcher sur des fonds de -1500 mètres, cela reste toujours des moments de grandes valeurs.
Ce soir, je pars seul avec mon bras droit, Fabio. Notre dernière aventure ajoute encore un peu d’adrénaline lors de la mise en chauffe du moteur, l’amarre est lâchée. Avant de partir directement sur notre nouveau point 85, nous marquons un stop pour faire des vifs. A la mitraillette, dans une trentaine de mètres d’eau, l’opération est réglée. En une demie heure, une grosse cinquantaine de grand Chinchards nous assurent de quoi faire venir une compagnie de calamars. Le vivier est mis en eau et conservera une dizaine de poissons, car habitudes prises, nous partons rarement sans une bonne poignée de vifs.
Arrivée sur zone 85 et ce soir les conditions s’avèrent différentes. Bien plus de courant, un vent relativement agressif nous garantis un éveil maximum. Les calamars se montrent immédiatement et ce soir nous allons apprendre à les capturer ! Petite turlutte sur ligne à main, et un, puis un autre … Fabio en fera quinze pièces rapidement. Cette pêche très amusante, du moins peu coutumière pour nous, assure nos appâts pour la nuit à passer. Elle a aussi pour effet de motiver mon jeune pour cette sortie et celle à venir.
Il était vrai que la valeur de ces captures se présente comme de grands trophées à nos yeux, Calamar couleur de feu ! Les conditions étant devenues trop difficile nous décidons de changer de place pour les eaux plus tranquille de la baie, une baie où il est possible de pêcher dans 900 mètres d’eaux – Parfait !
Les lignes à Xiphias sont tendues, Les 130 Lbs à la surface et entre deux eaux et la 50Lbs à plus ou moins cent mètres de fond. Le montage reste le même avec sa lumière chimique. Il est 3h30 - Un toc repéré par Fabio se produit sur le scion de l’une des 130, ouverture du moulinet immédiate ! Après contrôle, le poisson est bien là, en train de sabrer son calamar ! Puis doucement le nylon se déroule, c’est le moment de voir ce qu’il en est – Ferrage de la bête !

Combat de courte durée qui nous laisse apercevoir sans trop attendre un grand rostre, la sorcière des mers était capturée. Un Xiphias Gladius, d’une vingtaine de kilos…Notre Premier ! De petite taille mais notre premier ! Euphorique, nous nous félicitons, fier de ramener cette bête au village. Sur la route du retour les conversations sur nos prochains plans d’attaques vont déjà bon train. La fatigue a disparue et l’aube se lève, nous sommes de retour. Ma mère est, elle, bien partie !     

Voilà, en deux sorties, deux touches enregistrées. Ce qui semble être une expérience de découverte va se transformer en une série de sorties. Six sorties en ces nuits de lune descendante, à la dérive au gré de ces courants nocturnes quelque lignes à l’eau. Ambiance particulière à cette méthode de pêche, qui vous rappelle la base de cette recherche de tout gros. Lignes simples, armées d’un hameçon, quant à l’appât lui seul vous rappelle ce que vous êtes venus chercher. Les pêcheurs locaux sont mes professeurs, experts en la manière de tendre des lignes, pêcheurs de pélagiques par excellence…  Je me souviens d’un homme qui me disait  « le plus important est d’avoir une ligne à l’eau… »
 Quand la pratique devient une quête…Courir derrière un poisson…

Retour sur le point 85, ce soir là, les conditions de mer ne sont pas au calme plat,  arrivé sur zone nous devons couper le moteur pour voir se qui se passe. Les lumières du bateau se projettent dans l’eau, amorçage léger et bien piqué fin pour attirer notre délicat et si précieux appât - les calamars se présentent rapidement, suivit des premières attaques sur la Turlutte… Les captures sont de plus grandes tailles que précédemment rencontrées. Les appâts sont fait, les lignes montées seront directement tendues…
Lorsqu’à un moment, je lâche une ligne petit à petit, après avoir contrôlé son esche, un contact se produit. La ligne part alors qu’il me reste plus de cinquante mètres de bannière enroulée dans les pieds… L’action s’annonçait bien délicate…Je décide de serrer et de ferrer ligne en main ! Cette mystérieuse tension se relâche directement… UN poisson ? Immédiatement la bête revient au contact et le même scénario se reproduit…

A la troisième attaque, je garde et ramène la tension jusqu’au bateau en voyant apparaitre un grand calamar, prit à l’épuisette il est mis directement de côté par Fabio pour le prochain repas… L’animal pèse un bon deux kilos… Il est certain que ce soir-là, la vie était riche sur cette zone, les dérives bien contrôlées,
Nous attendons la touche…Touche ! Toujours très tôt, 4 heures, toujours peu après la sortie de la lune montagnarde. Touche, un élastique claque sur la canne avant, placé devant, je la prends rapidement en main et lâche la ligne sans à-coup. Accélération progressive et ferrage ! Le poisson est piqué, le combat n’a rien de violant, de bon départs et quelques manœuvres, mais tout en douceur. Il est certain que la ligne de diamètre 130 Lbs est très lourde pour des poissons de taille moyenne.

L’espadon apparait et capturé… Il est plus gros : 45kg Au long rostre aiguisé comme une épée… Cette nuit fût remplie de vie et d’apprentissages, elle nous rappelait que nous entrions dans une nouvelle pratique de pêche, la traditionnelle,  la vraie !
Mais surtout émerveillé devant ce deuxième espadon, qui paraissait calme, comme venu au bateau intrigué par ces lumières… La bête était là et avait coutume de roder dans ces eaux sombres…
L’enregistrement de ce troisième point nous donnera un axe dans le sens du courant, nous nous calerons sur cette ligne incertaine lors des prochaines sorties.
Toujours de nuit le lendemain, sortie off. Fatigue de l’équipage, une mer pas très cool, manque d’inspiration… Nous ne tendrons pas les lignes ce soir là. Expérience d’une navigation de nuit, regard fixé sur le ciel, tout va bien…
Gorge était de la partie… Après nos quelques précédents retours à l’aube, chargés d’histoires de ce mystérieux poisson, Gorge tenta la sortie … Toujours dans son habitude concernant les expérimentations, l’homme est d’une grande motivation et finement préparé… il nous donne toujours cette impression de partir pour des moments uniques, où en mer tout peut se passer, ce sont des expérimentations en quête de solutions. Ce soir là, nous prenons pour cap un bateau de long-lines arrivé dans l’après-midi et anormalement prés du bord ! Tout le village a les yeux braqués dessus avec un goût amer en bouche… Ils nous ont bien prévenu de ne pas s’en approcher car ils peuvent être dangereux.
Pleine ouest de Monte Trigo, l’embarcation aux lumières puissantes est en train de rentrer une ligne, trahit par sa manière de naviguer… Nous n’irons pas plus prés !
Nous restons dans son sillage pour se mettre en action de pêche. Nous notons quand même que ce navire pêche à proximité de notre ligne imaginaire, plus bon signe en nous assurant un réel bon passage. Travail fait, il coupe les feux et mets plein gaz direction le grand large… Enfoiré ! Nous sommes là, mais ce soir les calamars ont du mal à se présenter. Quelques petits passages mais pas de groupe fixés à la lumière comme précédemment observé.

La conservation de quelques belles pièces de calamars nous a permis de pouvoir quand même pêcher au cas où la capture de l’appât se ferait difficile, bien joué ! Les lignes sont à l’eau depuis déjà un certain temps, quand à Gorge et Fabio, ils dorment au fond du bateau. Moi je suis bien, en compagnie de la petite radio locale, je patiente toujours vigilant au moindre détail… Entre songe et pensée philosophique, en se donnant du courage, glorifiant le moment présent, glorifiant cette sensation de liberté incommensurable que nous procure le placement au cœur de cette « légende personnelle » …
Toujours après le lever de lune, qui commence à se transformer en un fin croissant. Une activité se représente au sondeur, dans trente mètres d’eaux, une masse de fourrage apparaît, mêlé à quelques grands échos. Sans attendre, j’ordonne à Fabio de se lever ! Somations bien sèche qui reste sans réponse… Je continue à observer, réveiller par cette présence autour du bateau, sans attendre un groupe de calamars venus chasser dans les lumières me confirme ce sentiment.

Sans rigoler, j’ordonne à Fab de se lever et avant qu’il se décolle les yeux… Un élastique claque, touche !

Le Gorge se lève électriquement, gros départ, tenu-stop and go ! XIPHIAS ! Bête était aujourd’hui bien plus violente, bien plus lourde et décidée. Elle avait pris de l’avance, obligé de manœuvrer et de partir derrière, le contrôle était bo.